Technologies et productivité : Comment l’iPhone a tué ma productivité

La théorie : l’iPhone comme utilitaire

Un peu geek sur les bords depuis un bout de temps (je répare les ordinateurs de mes parents depuis que je suis tout petit !), j’ai réussi à acheter un iPhone dès ma classe de première, grâce à l’argent que j’avais gagné en faisant mes magouilles informatiques (que je passerai sous silence…).

Dès son acquisition, je me persuadais que c’était un outil de travail. Peut-être était-ce aussi (et surtout ?) pour convaincre mes parents qui ne voyaient pas spécialement d’un bon œil ce nouveau venu, alors que mes résultats en maths n’étaient pas du tout à la hauteur de leurs espérances…

Cute kid girl play game on smart phone
Les dangers de l’iPhone (et du smartphone) sont nombreux !

Qui dit outil de travail dit applications uniquement utilitaires et de productivité. Malheureusement, de temps en temps un jeu apparaissait. Puis, quelques semaines plus tard, je réalisais qu’il y en avait en fait une page entière. Mais rien de grave, c’est juste « pour me divertir, car il faut savoir penser à autre chose de temps en temps ». Sauf qu’on pense déjà à autre chose tout le temps. Avons-nous vraiment besoin de nous distraire de la sorte ? Je lisais récemment un article d’Alex Bortolotti à propos de la culture dans lequel il dressait un constat que je partage totalement : on a pris l’habitude de se divertir en perdant du temps, notamment grâce aux écrans, à la télé et aux séries débiles. Mais ce que l’on veut oublier, c’est qu’il existe bien d’autres manières de se divertir, qui plus est, de façon intelligente : un bon livre, une pièce de théâtre, une comédie musicale, un bon film, de la bonne musique, un chouette musée, une promenade sympa, etc.

Quand on prend un peu de recul sur notre façon de consommer (car c’est bien de cela qu’il s’agit) au quotidien, relire ces quelques lignes d’Aldous Huxley peut donner quelques frissons légitimes :

Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, l’on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limitée et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des informations et des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctifOn occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. 

Aldous Huxley 1939

Glaçant. Surtout quand on sait que ça date d’il y a plus de 70 ans…

La pratique : l’iPhone, un outil à double tranchant

Toujours est-il que, avec le prétexte de « se divertir », mon iPhone se remplissait d’app non productive, alors que j’essayais de me convaincre intérieurement que si j’avais un smartphone de ce genre, c’était seulement pour travailler. Mais, à force d’aller dans mes réglages et de constater que je vidais une batterie par jour (c’est-à-dire entre 3 et 5 heures avec l’iPhone déverrouillé) je me suis dit que je perdais pas mal de temps. À plusieurs reprises, j’ai supprimé toutes les apps « non productive » de mon iPhone. Puis, quelques semaines plus tard, elles réapparaissaient une par une, jusqu’au moment ou je prenais pour la énième fois la résolution de les supprimer et de refaire de mon iPhone seulement un outil de travail…

Un beau jour, ayant besoin d’argent pour mon projet Opé-Ciné, j’ai du revendre mon iPhone 5S. J’ai alors récupéré un vieil iPhone 5 que j’avais prêté à un proche. Il fonctionnait encore, mais l’écran était en miette (entre autres). Je l’ai utilisé pendant trois bons mois avant de le re-re-re-re-refaire tomber une dernière fois par terre. J’ai, ce jour, définitivement cassé mon écran : l’iPhone fonctionnait encore, mais l’écran était noir (LCD mort) et ne répondait plus (tactile mort). Ayant les compétences, j’aurais pu racheter un écran et réparer cet iPhone. Mais, ma flemme légendaire et ma non-envie de dépenser 60 € pour acheter une nouvelle vitre m’ont poussé à ne rien acheter du tout. Je suis donc, depuis ce jour, avec un formidable Sony Ericsson k530i.

Mon nouveau portable, après mon iPhone 5S puis iPhone 5 ! J’en suis ravi !

OK, je vous l’accorde, je mets beaucoup plus de temps à écrire un SMS. C’est vrai aussi que c’est un peu plus la galère pour trouver mes contacts (je les ai perdus en les transférant, car ils n’étaient pas sur ma carte SIM). Je reconnais aussi que c’est vraiment très long et fastidieux d’aller sur internet avec ce téléphone (je l’ai fait une fois, juste pour la gloire, car attendre deux minutes avant que google ait fini de se charger.)… Mais à part ces quelques points (auxquels on se fait vite), quel changement ! Rendez-vous-en compte : je viens de gagner au minimum trois heures par jour !

Vous allez me dire, j’utilisais beaucoup mon iPhone pour regarder mes mails, lires les actualités ou faire des recherches sur internet pendant mes déplacements, lorsque je marchais, et donc qu’à ce titre, ce n’était pas de la perte de temps puisque je n’avais alors rien de mieux à faire. Et pourtant ! Je vous assure que de se laisser aller à ses pensées est un exercice aussi productif qu’intéressant, et je ne peux que vous encourager à vous y livrer. C’est édifiant et constructif. ?

Que fais-je donc avec ce temps de gagné ? Comme je l’écrivais à l’instant, je prends déjà plus de temps pour réfléchir. À quoi ? À tout et à rien. Tout dépend de la situation. Ce temps libéré est aussi l’occasion pour moi de renouer (un peu) avec la lecture : je viens de finir le superbe roman de Jane Austen : Orgueil et Préjugés (non, ne regardez surtout pas la version avec Keira Knightley ; la version de la BBC de 1995 avec Colin Firth est, en plus d’être bien plus fidèle, bien mieux jouée et bien plus captivante). Cela m’a aussi permis de me rendre compte que je m’impliquais de moins en moins dans mon projet, et que j’y passais de moins en moins de temps. Le constat fait, j’ai pris soin de corriger le tir et de m’y remettre à fond.

the process of repair iPhone
Changer un écran d’iPhone n’est pas très compliqué

En plus de cela, l’iPhone est un « anti-penseur » : à chaque fois qu’on a le moindre problème, la moindre question, on sort son smartphone pour faire une recherche Google, regarder ses mails, envoyer sa question par SMS ou par Messenger pour avoir une réponse dans la minute. La précipitation n’est pas une bonne chose, selon moi. Et l’on devrait plus souvent prendre son temps et réfléchir par nous-mêmes quelques minutes avant de solliciter notre smartphone…

Je ne m’étends pas plus, car vous avez l’idée : en pensant avoir dans les mains un outil de travail, on essaye de se convaincre à tout prix qu’il nous servira à être plus productifs. De fait, que nenni : ce petit outil fait perdre, à une majorité d’entre nous, plus de temps qu’il n’en fait gagner. À bon entendeur…

Je serais enchanté de connaitre votre avis sur la question !

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